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Greffes osseuses en corail

Si les greffes de tissus osseux sont désormais courantes pour réparer un os à la suite d’une fracture ou d’autres lésions, cette stratégie présente des limites. C’est pourquoi, les chercheurs recherchent le greffon osseux idéal. Il doit être biologiquement inerte, facilement disponible, facile à sculpter et surtout remplaçable par les cellules osseuses du receveur. En 1974, des chercheurs américains ont proposé d'utiliser du corail pour les greffes osseuses. Pour cela, ils ont transformé le carbonate de calcium (CaCO3) du corail en phosphate de calcium (Ca3(PO4)2) de nos os. Ceci grâce à une réaction de substitution chimique (28). Mais ce matériau est trop fragile et non résorbable. Par ailleurs, une équipe française de l'Institut de Recherches Orthopédiques de Garches a été plus audacieuse. Depuis 10 ans elle réalise des greffes à partir de corail naturel, non modifié. Les résultats sont spectaculaires. Le corail est "mangé" par les cellules du receveur et remplacé par du tissu osseux. Il faut environ une année pour obtenir une disparition presque complète du corail. Le corail est bien toléré. De plus, il diminue les risques d'infection par greffe. Mais grâce à quoi le corail peut-il être un des meilleurs greffons osseux?

Tout d’abord, l’os est continuellement soumis à un processus de renouvellement et de réparation. Notre capital osseux s’adapte ainsi aux sollicitations biomécaniques de notre existence, en remplaçant le tissu ancien par du tissu neuf (29). En effet, les os sont composés de cellules, les ostéocytes (17), entourées d’une matrice extracellulaire (13) minéralisée. Cette matrice est renouvelée grâce à l’équilibre entre l’action de deux types de cellules : les ostéoblastes (15) et les ostéoclastes (16). D'une part, les ostéoblastes synthétisent la matrice osseuse. D'autre part, les ostéoclastes éliminent les tissus osseux vieillissants sous l’effet de différentes hormones et des sollicitations mécaniques. Ce processus donne à l’os d’étonnantes propriétés d’auto-réparation, le rendant capable de se régénérer en cas de lésion. Ainsi, après une fracture, le réalignement et le maintien du membre suffisent généralement à la guérison. Le processus d’ostéogenèse (18) comble le déficit dû à la fracture. En effet, il génère du nouveau tissu afin de restaurer l’efficacité fonctionnelle de l’os. Cependant, dans certains cas, ce processus naturel d’auto-réparation est insuffisant : environ une fois sur dix, des problèmes mécaniques ou biologiques empêchent l’auto-réparation d’une fracture. 

I. Structure os et processus d’auto-réparation

II. Caractéristiques bio-matériaux

Par ailleurs, certaines pathologies (comme la pseudo-arthrose) ou interventions chirurgicales (ablation de tumeurs, de kystes, de foyers infectieux) peuvent aboutir à d’importantes pertes de substance osseuse que l’ostéogenèse (18) ne suffira pas à combler. La reconstruction de l’os doit alors être assistée. En outre, la capacité des matériaux à ne pas dégrader le milieu biologique dans lequel ils sont utilisés s’appelle la biocompatibilité. Les matériaux biocompatibles sont appelés biomatériaux. Le biomatériau doit répondre à trois critères pour la réussite d’une opération : l’ostéoconduction, l’ostéo-induction et l’ostéogénicité.

  • L’ostéoconduction est la capacité du matériau à servir de support pour la repousse de l’os.

  • L’ostéo-induction est la propriété d’un matériau, qui contient des protéines (26), dont la libération entraine la cascade biologique nécessaire à la formation osseuse,

  • L’ostéogénicité est la propriété d’un matériau contenant des cellules capables de synthétiser un tissu osseux.

De plus, il doit donc être poreux et résorbable. Ainsi, si le biomatériau répond à ces trois critères il peut donc bien être toléré par notre corps et pourrait considérablement réduire les risques d’infection par greffe.

III. Structure squelette corail

Par ailleurs, l’architecture du corail est poreuse. La porosité du matériau est un des éléments-clés du succès. Son volume de porosité (volume de vide à l’intérieur), la taille des pores et leur interconnexion ont une influence majeure sur la capacité de l’implant à se vasculariser et se résorber progressivement. Le squelette du corail est donc aussi fort qu’un os humain et possède une bonne résistance à la compression, à l’eau, au froid et au chaud. De plus, le corail est composé de carbonate de calcium (calcaire) : atomes de calcium, d’oxygène et de carbone. Son squelette est donc plein de calcium, tout comme celui de l’homme. C’est un élément essentiel au développement des os. Par ailleurs, la résorption du biomatériau doit s’effectuer de façon concomitante (3) à la néoformation osseuse. S’il se dégrade trop vite, il ne peut servir de support à la formation osseuse et l’on obtient un tissu fibreux impropre à combler l’os. A l’inverse, s’il se dégrade trop lentement, la persistance du biomatériau va empêcher la formation osseuse, par manque de place. Le corail est donc la solution pour les greffes osseuses.

Squelette d'un corail 

En outre, les coraux vivent généralement en colonie d'individus qui sont des super-organismes (organisme composé de nombreux individus). Ces individus sont nommés « polypes ». Chaque polype sécrète son propre exosquelette (près de la base et tout au long de sa vie). Selon les espèces, cet exosquelette est dur (à base de carbonate de calcium), ou mou et protéinique. Le polype vit en symbiose (= association étroite gagnant-gagnant) avec une algue microscopique, la zooxanthelle, qui demeure dans l'organisme du polype. En échange du CO2 que lui apporte le polype, cette algue va fournir, grâce à la lumière du soleil, des sucres et de l'oxygène (c'est la photosynthèse) dont a besoin le corail pour sa croissance. Cette petite algue va aussi donner au corail sa couleur (sans elle, il serait blanc). Ces deux espèces ne peuvent survivre longtemps l'une sans l'autre. Enfin, le polype va construire un squelette calcaire (carbonate de calcium) en utilisant notamment le CO2 dissout dans l'eau de mer. 

Ainsi, le corail est le biomatériau parfait pour permettre la repousse osseuse grâce aux propriétés uniques de son anatomie. De plus, les applications sont nombreuses : chirurgie infantile, esthétique, dentaire. Une entreprise, INOTEB, commercialise déjà du corail pour la chirurgie. Elle va prochainement rendre disponible, pour d'autres applications, du corail purifié, traité et conditionné sous forme de bâtonnets ou de blocs modelés.

Coraux blancs

Structure du corail

Représentation de l'ostéoblaste et de l'ostéoclaste

Représentation d'une cellule osseuse (ostéocyte)

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© 2018 - Ali-Moussa Nessrine,  Bailly Jean-Charles , Pifaut Romain,  Rostein Shani

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