
De nombreux scientifiques commencent à observer la nature et à étudier les diverses espèces qui nous entourent. De nos jours, le biomimétisme prend une toute nouvelle ampleur; aussi bien dans les universités et les centres de recherche, que dans les grandes entreprises. En effet, s’inspirer de la nature s’avère très favorable à l’innovation; et ce, notamment dans le secteur technologique.
Des chercheurs se sont par exemple intéressés aux lucioles afin de comprendre comment elles parviennent à produire de la lumière sans électricité. C’est le principe de bioluminescence*. Le mécanisme chimique de ce phénomène a été mis en évidence à Lyon, au début du XXe siècle par le physiologiste* français Raphaël Dubois.
Ces recherches nous permettent de réinventer le monde dans lequel nous vivons; d’une part, en faisant évoluer les technologies que nous utilisons au quotidien, telles que les écrans ou encore les LED*; d’autre part, en réduisant l’impact néfaste que l’Homme peut avoir sur l’environnement. Actuellement, la consommation mondiale d’électricité ne cesse d’augmenter et émet plus de 1 150 millions de tonnes de CO2 par an. Ainsi, la bioluminescence pourrait être une solution durable à cette demande croissante. En effet, elle ne produit quasiment pas de CO2 et ne nécessite pas d’électricité.
Lucioles et bioluminescence
La lumière produite par la luciole provient d'une réaction chimique produite à l’intérieur de son abdomen. Ce dernier est enveloppé par des organes bioluminescents: les photophores*. Ils contiennent des cellules lumineuses appelées photocytes*.
La production de lumière chez les lucioles se fait sur une réaction, provoquée par une enzyme*, agissant sur un substrat* au contact du dioxygène. C’est le principe de bioluminescence.
La lumière produite par la luciole est ensuite intensifiée grâce à la structure de son abdomen. En effet, les dentelures présentes sur son hypogastre (région inférieure de l’abdomen) permettent à la lumière de s’échapper plus facilement.
La bioluminescence correspond à l’émission de lumière visible* (entre 400 et 800nm) par certains êtres vivants. Le mot à pour origine le terme grec “bios” signifiant “vie” et le terme latin “lumen”: la lumière.
Ce phénomène est principalement connu chez les vers luisants (lucioles); cependant, il est majoritairement présent en milieu marin, puisque 95% des espèces marines présentes à plus de 4 000m de profondeur sont lumineuses.
La lumière produite par les lucioles est dite “lumière froide”. En effet, le processus de bioluminescence ne s'accompagne pas de déperdition d'énergie thermique. Ainsi, la totalité, ou presque, de l’énergie est dédiée à la production de lumière. Le rendement de la chimiluminescence* avoisine les 95%, ce qui fait d’elle une excellente alternative aux ampoules actuelles (97% de leur énergie est perdue sous forme de chaleur, ainsi leur rendement n’est que de 3% environ).
Les lucioles produisent leur lumière par une réaction chimique faisant intervenir un substrat (la luciférine) et une enzyme (la luciférase). Au cours de cette réaction, l’énergie chimique est convertie en énergie lumineuse.
NB: le nom "Luciférine" est un nom général sans signification chimique car il existe 5 types de luciférine, chacun étant lié à une luciférase spécifique.
L'Américain William McElroy démontra ensuite que cette réaction nécessite aussi de l’ATP*, activé par du dioxygène; en présence du cation divalent* magnésium (Mg2+).
Représentation topologique de la luciférine de luciole :
Les étapes de la réaction:
- Tout d’abord, les cations magnésium se lient à l’ATP. Ensuite, ce complexe réagit avec le substrat (la luciférine).
- Une fois la luciférine activée, elle réagit avec l'enzyme (la luciférase). On obtient alors une forme intermédiaire: la luciférine adénylate.
- Cette dernière est alors oxydée par les molécules de dioxygène. On obtient des ions peroxyluciférine-adénylate-enzyme.
- Enfin, par décarboxylation*, l’acide carboxylique se sépare de la luciférase. On obtient alors de l'oxyluciférine. Cette molécule, dans un état électronique excité, retourne à son état fondamental* en émettant un photon* (de longueur d’onde 560 nm). Cette réaction est aussi productrice de dioxyde de carbone.
On peut ainsi dresser l’équation bilan:
(Luciférine + ATP + Mg2+) + (Luciférase + O2) ----> (Oxyluciférine + Photons) + CO2
(Substrat) (Enzyme) (Produit)
De plus, il est possible de calculer l’énergie libérée lors de la réaction chimique pour l’oxyluciférine. On sait que cette molécule émet une radiation de longueur d’onde:
= 560 nm = 560.10E-9 m
Pour se faire, on utilise simplement la relation de Planck:
De nos jours, les LED voient leurs aptitudes restreintes du fait de leur structure. En effet, la majeure partie de la lumière émise se reflète dans le fond de la lampe. Ainsi, leur efficacité se voit réduite par la capacité de lumière à s’échapper de l’appareil. Comme nous l’avons étudié précédemment, l’abdomen des lucioles est recouvert d’écailles, ce qui leur permet de briller plus intensément.
Ainsi, une équipe de chercheurs français, belges et canadiens tentent d’imiter la structure en dents-de-scie de l’abdomen des lucioles Photuris afin de l’intégrer à nos LED actuelles. Avec ce micro-revêtement, le rendement de nos ampoules augmenterait de 55%, il permettrait alors de consommer considérablement moins d’énergie.
Enfin, une équipe de chercheurs coréens a découvert que les photophores des lentilles étaient divisés en trois parties distinctes: la zone lumineuse, une lentille la recouvrant, ainsi qu'une surface réfléchissante. De plus, la lumière produite par les lucioles est redirigée par les écailles de leur abdomen afin de les concentrer en un seul rayon lumineux. En imitant ces principes, l’équipe est parvenue à créer une LED émettant jusqu’à 98% de lumière en plus.
Dans les ampoules traditionnelles, l’électricité traverse un filament et le chauffe, afin d’exciter les atomes. De ce fait, une grande partie de l'énergie fournie est perdue sous forme de chaleur (90 à 97%). Tandis que chez les lucioles, l'énergie chimique libérée par la réaction est transformée directement sous forme d’énergie lumineuse, sans avoir à passer par un intermédiaire thermique. Le rendement chez ces animaux avoisine alors les 100%. L’Homme a trouvé une alternative à la bioluminescence des lucioles en utilisant la chimiluminescence, qui fait intervenir le luminol et le peroxyde d'hydrogène*, afin de créer une lumière bleutée. La chimiluminescence ne nécessitant pas d'électricité, elle pourrait réduire de 19% la consommation globale d’électricité.
Ainsi, en nous inspirant des lucioles, nous pouvons réinventer la manière dont nous nous éclairons, et même, dans un futur proche, révolutionner l’industrie des écrans. De plus, la bioluminescence est une solution plus responsable écologiquement. Par ailleurs, les applications pour ces découvertes ne s'arrêtent pas au secteur technologique. En effet, en biotechnologie, la bioluminescence a permis le développement de l’ATPmérie. Ainsi, on peut par exemple, dans le domaine médical, détecter le taux d'alcoolisme ou les maladies hépatiques car le taux d'ATP diminue. Enfin, dans le domaine agro-alimentaire, il est désormais possible d'observer la présence ou non de bactéries lors des contrôles d'hygiène et de stérilisation.


I-Caractéristiques des lucioles
A/ Leur abdomen

B/ La bioluminescence





II-Applications
A/ Des LED bio-inspirées


B/ Un éclairage publique bioluminescent
Des universitaires de Cambridge étudient ce processus dans le but de créer des arbres bioluminescents qui pourraient éclairer nos rues. Pour se faire, ils utilisent le procédé de transgénèse* et copient les différents gènes responsables de la bioluminescence des lucioles.
En outre, cette perspective est actuellement étudiée par une équipe d'ingénieurs du MIT. Celle-ci est récemment parvenue à concevoir une plante bioluminescente.
Enfin, c’est la startup française Glowee qui démocratise cette application et qui, depuis 2015, propose des installations bioluminescentes. Leur potentiel est bien plus important que celui des simples ampoules puisque, désormais, "la lumière prend des formes, s'étale sur des surfaces et s'intègre à tout type d'installation". Elle est plus douce, plus respectueuse des écosystèmes environnants et moins polluante visuellement. En outre, Glowee travaille à utiliser des micro-organismes aux propriétés complémentaires: captation de CO2, dépollution des eaux usées, etc.






C/L'avènement des "biopixels"
Une équipe de chercheurs de l’université de San Diego semble avoir réalisé une percée significative dans l’exploitation du phénomène de bioluminescence. En effet, ces derniers sont parvenus à créer un panneau lumineux composé de bactéries luminescentes. Cette innovation nous permettrait, dans le futur, de faire fonctionner nos écrans avec des “biopixels”. Les biopixels sont composés de colonies de bactéries (plusieurs milliers de bactéries) toutes synchronisées dans leur cycle lumineux.



Conclusion
Lucioles
Observation de l'abdomen d'une luciole au microscope électronique
Vague de bioluminescence
Equation de la réction de bioluminescence des lucioles
Observation de l'abdomen d'une luciole au microscope électronique
Arbres bioluminescents
Projets d'installations urbaines bioluminescentes de la startup Glowee
Panneaux lumineux bioluminescents (biopixels)
LED bio-inspirée
*se conférer au lexique technologie